Depuis 2018, Suricats a initié une réflexion autour des relations entre humain et robot sur différentes dimensions. Nous nous sommes intéressés lors du 1er meetup aux IA et à l’éthique, puis lors du 2e qui était focalisé sur la captation des émotions humaines, nous avons essayé de comprendre les usages qui peuvent en résulter.
Dans la continuité et pour notre 3e meetup, nous avons exploré le thème des objets à comportements avec 3 intervenants : Thibaut Cron et Sébastien Gens (chefs de projet chez CATS), Nicolas Rabault (CEO chez Luos) et Olivain Porry (doctorant Ensad-Suricats en art visuel).
Dans le Journal of Artificial Intelligence Research de 2018, l’article : “ When Will AI Exceed Human Performance? Evidence from AI Experts” annonce que d’ici une trentaine d’années, les objets robotisés couplés à l’IA nous remplacerons dans la réalisation d’une majorité de nos gestes quotidiens. Aujourd’hui, il y aurait déjà plus de 31 millions de robots domestiques dans le monde qui font le ménage à notre place, qui arrosent nos plantent pour nous… Nous sommes d’ores et déjà dans cette nouvelle ère.
Mais tous les robots ne sont pensés et conçus de façon équivalente. On distingue par exemple les robots humanoïdes des objets à comportements.
Pour les premiers, l’objectif est de remplacer l’humain par un robot qui lui ressemble. Dans certains cas, le résultat peut s’avérer anxiogène ou en-dessous des attentes des utilisateurs.
Pour les seconds, en opposition, ce mouvement apprécie l’objet pour sa tâche plutôt que pour sa représentation et favorise le développement d’UNE fonctionnalité principale.
Pour ce meetup, nous avons questionné cette technologie et notre niveau de conscience face à celle-ci en échangeant avec des utilisateurs, des artistes et des fabricants d’objets à comportement.
Quel est le niveau de maturité de la robotique et de la robotique modulaire ? Comment le Crédit Agricole Technologies et Services peut se positionner dans la relation humain-robot ?
Pour débuter, Thibaut et Sébastien ont restitué une expérimentation de robotique réalisée au sein de la Direction Opérations Innovation de CA-TS accompagnés par quelques Suricats.
Leur projet était à contre-courant d’initiatives humanoïdes en place dans certaines Caisses Régionales. Afin d’éviter un moment ”mort” du rendez-vous du client avec son conseiller, lorsqu’il va chercher un papier d’impression à l’imprimante, ils ont imaginé un robot capable d’apporter les impressions au conseiller, sans qu’il quitte son bureau. Et pour cela, ils ont choisi un robot non-humanoïde, en dehors de la vallée de l’étrange, pour éviter les fortes attentes des utilisateurs face à ce format de robots.
Ce projet a demandé un questionnement permanent sur chacune des fonctions et sur chacun des comportements dont le robot serait doté. Par exemple, sa captation de l’environnement, son déplacement ou encore son interaction avec un humain.
Pour conclure, l’équipe a réalisé une rétrospective de ce projet :
- Les intervenants ont constaté que le marché de la robotique possédait moins de standards et de composants complexes « sur étagère » que ce qu’ils imaginaient. Ainsi certains comportements sont difficiles à concevoir et construire ;
- Les principaux facteurs clés de succès cités sont l’équipe pluridisciplinaire et la démarche agile qui ont bénéficiés au produit et également aux membres de l’équipe.
Bien que le projet soit une expérimentation, cela a permis à CATS de comprendre le cheminement nécessaire, de concevoir des comportements et d’arbitrer les décisions en cohérence avec le cas d’usage. Sébastien et Thibaut ont maintenant des clés pour pouvoir répondre aux demandes de projets robotiques des Caisses Régionales.
Et si le projet se poursuit, de nombreuses et permanentes améliorations du robot sont envisagées : sur son déplacement, sur son autonomie, sur son interaction avec le destinataire…
Comment la robotique modulaire peut simplifier la robotique ?
Nicolas Rabault, l’archétype du roboticien (c’est lui qui le dit), nous a ensuite exprimé son point de vue du fabricant de composants modulaires permettant d’envisager différemment la robotique.
Depuis quelques décennies, nous sommes forcés de constater que fabriquer un robot demande des compétences dans de nombreux domaines : mécanique, électronique, bas niveau et haut niveau. Et le coût correspondant est important puisqu’il faut tout créer, en partant de zéro.
Pour les amateurs et les industriels, une problématique d’incompatibilité entre les composants et les cartes disponibles sur le marché est mise en évidence. Celle-ci induit une énergie importante dépensée pour refaire des éléments qui ont déjà été développés.
Afin de répondre à cette problématique, Luos développe aujourd’hui une solution favorisant la modularité entre les composants d’un robot. Cette philosophie, déjà appliquée dans de nombreux domaines dont l’automobile, qui assemble une multitude de modules et de composants (cockpit, siège, portière…), est désormais transposée à la robotique.
Comment cela fonctionne ? Un logiciel embarqué dans les cartes électroniques permet de créer un réseau de communication entre tous les composants de la machine. Pour le développeur, cela simule l’image d’un seul composant. « Cette harmonisation de la technologie, sur étagère, va permettre des développements plus complexes. » Cela permet un développement beaucoup plus horizontal des robots, avec la possibilité de faire travailler des personnes externes à l’entreprise sur un même système.
Afin de répondre à de fortes contraintes de coûts, Luos a également choisi de s’inspirer de solutions biologiques (exemple : systèmes nerveux des êtres vivants) où les corps sont décentralisés et pourtant n’entrent pas en concurrence.
Comment créer des systèmes d’objets communicants en réseau en manipulant les technologies, le design et les arts ?
Enfin, le meetup s’est clôturé par une intervention plus artistique d’Olivain Porry, notre doctorant aux Arts Décoratifs. Il fait partie d’un groupe de travail nommé « Reflective interaction ».
Il est revenu sur sa définition de l’objet à comportement qui représente un objet “augmenté” qui a un comportement, une attitude qui vont lui permettre d’interagir avec les humains ou les autres robots.
Comment des objets augmentés peuvent-ils créer un réseau leur permettant d’échanger entre eux ? Et comment peuvent-ils inclure l’humain et ses interactions afin qu’il devienne lui aussi un membre du système ?
Pour répondre à cette question, les études et les recherches d’Olivain allient des disciplines variées telles que les sciences, le design et les arts.
Parfois, il décrypte des œuvres artistiques dans lesquelles des objets développent des mouvements, des sons… une chorégraphie en somme qui permettent parfois l’interaction avec l’utilisateur qui évolue en tant que membre du système. “Pour qu’un système soit performant, il faut nécessairement un groupe d’individus et des interactions entre eux.“
D’autres fois, il réutilise des modèles (cybernétique, fouloscopie, ethnologie…) et les intègre dans des dispositifs développés à l’Ensad lors de workshop. Ces ateliers collaboratifs permettent de développer tester et exploiter les résultats d’une idée initialement floue.
Enfin, Olivain affectionne les mises en scène lors d’expositions qui permettent de créer des expériences esthétiques et/ou de psychologies cognitives avec les visiteurs. Leurs réactions face aux objets à comportement peuvent ainsi être décryptées et conduisent parfois à de nouvelles fonctionnalités ou de nouvelles créations.
L’objectif d’Olivain est d’ouvrir des perspectives pour qu’on puisse intégrer ces objets dans la vie quotidienne et créer des modèles de sociétés harmonieux.
L’approche de la robotique par les objets à comportements offre des usages complémentaires à ceux proposés par les robots humanoïdes. Leur développement et leur intégration dans notre quotidien soulève néanmoins de nombreuses questions : techniques, économiques, sociales, environnementales… Chez Suricats, nous travaillerons à créer une relation compatible entre ces robots et nous, Humains.