Le 27 mai dernier, nous avons organisé notre meetup en ligne “Entreprendre au féminin dans le numérique en 2021”. Il est dans l’ADN de notre collectif d’interroger des problématiques sociétales. En effet, il y a un an, notre cabinet de conseil a engagé des discussions autour de la labellisation B Corp, ce qui nous a amenés à mener différents chantiers en interne autour de la place de l’entreprise dans la société et notamment sur l’inclusion aujourd’hui en 2021.
L’essence de Suricats Consulting est la transformation numérique. Or, le numérique est désormais un volet important de changement de notre société. Nous avons donc eu le souhait d’interroger la place de la femme spécifiquement dans le secteur du numérique ; dans le milieu toulousain puisque les locaux de notre antenne toulousaine y sont installés depuis un an. Ce fut l’occasion de découvrir des talents de notre territoire occitan et notamment au travers de l’intervention de deux entrepreneures, Lydwine Gross et Carole Bonnemains.
Les femmes dans le numérique : une place encore faible
Force est de constater que les femmes occupent de nos jours une place mince dans les métiers du numérique : elles occupent 30% des postes de ce secteur, dont 75% de ces postes sur des fonctions de type support (ressources humaines, marketing, communication). La part des femmes dans les métiers informatiques en 2017 est de 28% et de 11% dans les métiers de la cybersécurité. 7% seulement des start-up françaises sont dirigées par des femmes en 2019.
Cependant, 61% des femmes sont persuadées du rôle positif du digital pour leur évolution professionnelle et 12% des femmes actives françaises envisagent ou ont déjà créé une entreprise dans le numérique.
Nous sommes donc dans un période de transition sociétale, transition mise en exergue par nos deux intervenantes, Lydwine Gross et Carole Bonnemains.
De l’idée, à la création et à la pérennisation de son entreprise
La création
Comment nos deux intervenantes ont-elles osé se lancer dans l’entrepreneuriat ? Pour Lydwine Gross, c’est d’abord la hiérarchie qui s’est avérée bloquante dans le salariat : insatisfaite de la façon dont elle vivait son métier, elle voulait vivre un managériat plus collectif. De plus, elle souhaitait adhérer avec ses deux cofondateurs à un nouveau modèle économique : créer une solution à valeur ajoutée, des logiciels pour la société civile, ce que ne leur permettait pas leur entreprise. L’entrepreneuriat s’est alors révélé être “un moyen de contourner des problèmes”.
Carole Bonnemains a ,quant à elle, eu des difficultés à s’épanouir dans le salariat, ayant un profil atypique. Une rencontre avec son manageur chez GFI informatique lui a permis de sortir d’une latence digitale pour se diriger vers des secteurs tels que le Big Data ou l’Intelligence Artificielle. Entreprendre lui a ensuite permis de repousser plus loin les barrières, de s’autoriser à aller plus loin dans le monde du digital et de “conjuguer le verbe oser”.
Les challenges
Le financement apparaît comme le challenge principal car les financeurs sont frileux et difficiles à convaincre tant que le projet n’est pas mis en place.
La pérennisation
Alors comment faire pour développer /pérenniser son entreprise dans le monde du numérique ?
Nos intervenantes insistent sur l’humain et l’importance du réseau de personnes qui nous entourent. Seul on va très vite, si on veut aller plus loin, il faut avoir un réseau de personnes plus compétentes que soi-même dans certains domaines, qui nous complètent, nous alimentent et nous tiennent en haleine. S’entourer de personnes avec des compétences techniques et la capacité à accompagner au changement sont également des éléments clés.
En plus de l’équipe entrepreneuriale, les réseaux sociaux jouent également un rôle notable. Carole Bonnemains voit Linkedin comme un outil de gestion de la relation client, révélateur d’opportunités, mais elle n’écarte pas les réseaux physiques qui permettent de partager et de faire du réseautage en présentiel, dans la bienveillance.
Un digital perçu comme facilitateur
Le digital peut-il être perçu comme facilitateur ?
Pour Lydwine Gross, le digital peut être perçu comme un grand progrès dans la gestion de la connaissance, notamment au travers de la création de réseaux sociaux scientifiques. Quand il fallait autrefois parcourir la Terre pour assister à une conférence, le digital permet de nos jours de partager facilement les recherches et avancées scientifiques. C’est un accélérateur du savoir énorme. D’autre part, exit l’emploi systématique de gros calculateurs dans les universités, on peut désormais lancer ses calculs de son ordinateur, de chez soi « dans le cloud ». Il s’agit là aussi d’un changement majeur, d’une démocratisation des moyens, facilitant d’autant plus la recherche que le coût des calculs massifs diminue.
En ce qui concerne l’articulation vie professionnelle/vie personnelle, Lydwine Gross affirme que le télétravail permet la souplesse dans le quotidien, d’aller chercher ses enfants à l’école tout en organisant sa journée de travail. Pour Carole Bonnemains, télétravailler constitue un gain de temps et d’efficacité. Elle utilise également des applications de sa vie professionnelle dans sa vie privée comme l’outil Trello.
Cependant, une vigilance est à apporter quant à l’utilisation des écrans par les enfants. Le numérique permet de se réaliser mais sans accompagnement, il peut mener à la dépendance. Pour Lydwine Gross, l’essence de la connaissance nous provient des livres et Internet ne permet pas de remplacer un moment posé à lire le chapitre d’un livre. Selon Carole Bonnemains, il s’agit avant tout de trouver un équilibre entre activités extérieures et digitales.
Des femmes qui prennent leur place dans l’entrepreneuriat et le numérique
Au fil de nos échanges, la place de la femme dans l’entrepreneuriat et le numérique est interrogée, notamment au travers des questions de nos auditeurs et auditrices. Nos deux intervenantes témoignent ici de la transition sociétale qu’elles ont vécue et que les femmes vivent de nos jours.
A la question “Est-ce possible d’obtenir un équilibre hommes femmes dans vos recrutements ?” Lydwine Gross, affirme qu’il est encore difficile de recruter des femmes dans le secteur numérique comme des développeuses, quand Carole Bonnemains ajoute qu’elle s’intéresse avant tout aux compétences et non au genre. Ainsi, selon elles, les sciences physiques et l’informatique sont souvent vécues comme des milieux masculins, et encore trop peu de femmes se forment sur ces secteurs. Pourtant, pour Lydwine Gross, les sciences ne sont pas genrées, et par exemple la physique explique la nature tout autant que d’autres disciplines plus populaires auprès des femmes, comme la biologie. Est-ce alors une question de perception sociétale et/ou d’acculturation ? Des actions auprès de jeunes publics sont certainement à mener pour lever ces clichés. D’ailleurs, de nombreuses initiatives de sensibilisation au secteur du numérique sont menées dans les établissements du secondaire de la région Occitanie pour faire connaître ce secteur et inciter les jeunes filles à s’autoriser à suivre des parcours scientifiques, dans la physique, l’informatique ou la cybersécurité par exemple.
Les auditeurs et auditrices nous ont questionnés sur la combativité que les femmes doivent mener dans l’entrepreneuriat dans le numérique, ou sur les apports qu’amènent les femmes à ce secteur. Nos intervenantes ont alors parlé de complémentarité des hommes et des femmes dans ce secteur, de construction grâce au binôme homme/femme.
Les femmes font désormais preuve d’agilité, d’adaptabilité et être une femme n’est plus un facteur bloquant pour entreprendre en France, notamment dans le secteur numérique qui offre une infinité de possibilités. Lydwine Gross et Carole Bonnemains soulèvent la chance d’être une femme en France, pays laissant aux femmes la liberté d’agir, d’entreprendre, de s’exprimer. Selon Lydwine Gross, “quand on est sûre de soi, de son réseau et de son métier, il n’y a aucune raison de ne pas entreprendre. Le côté féminin n’est plus la question”. Pour Carole Bonnemains, “quand on a le réseau et l’idée, il faut se faire confiance”. Carole Bonnemains conseille de bien s’entourer, car le réseau fait les opportunités mais aussi de profiter de tous les MOOC, de toujours s’informer et se former, notamment via des ressources en ligne qui aident à sécuriser les projets (MOOC de la CNIL pour la RGPD, MOOC de l’ ANSSI.)
Pour conclure ce meetup, nos intervenantes ont souhaité passer un dernier message : selon Lydwine Gross ” l’entrepreneuriat c’est la réalisation de soi, c’est se projeter dans sa vie propre pour donner du sens à son savoir” tandis que pour Carole Bonnemains “le monde digital n’est limité que par notre imagination”.
Les intervenantes du meetup
Après un doctorat en Intelligence Artificielle appliquée à l’observation de la Terre, Lydwine Gross part réaliser un post-doctorat aux USA. Elle rentre en France pour réaliser un post-doctorat pour le CNES et opère à Toulouse depuis 15 ans pour le milieu des observations spatiales, pour les laboratoires du CNES puis monte un laboratoire dans une SS2I.
Le monde du numérique est venu à elle, le numérique faisant partie intégrante du monde des scientifiques : ses outils de travail sont d’abord de gros calculateurs, puis des ordinateurs.
Lydwine Gros a fondé Pixstart en 2016 avec deux cofondateurs. Pixstart, c’est l’application de l’Intelligence Artificielle à l’observation physique de la Terre à des buts géostratégiques (gestion des ressources comme les forêts, l’eau, impact des évolutions climatiques sur ces ressources et sur les populations qui en dépendent : affaiblissement, développement de maladies, algues toxiques, insalubrité).
Pixstart rend accessible à la société civile les mesures satellitaires qui sont complexes et extrêmement volumineuses au travers d’outils d’aide à la décision qui présentent ces données transformées en informations accessibles. Ces outils s’adressent à des professionnels travaillant à l’échelle de territoires, tels que les collectivités locales, les agriculteurs, les sylviculteurs, les ONG.
Carole Bonnemains a toujours été attirée par le monde de l’informatique. Dès l’adolescence, elle se passionne pour les ordinateurs et les lignes de codes.
Après un baccalauréat scientifique, elle effectue des études en droit à sciences po, tout en étant béta testeuse pour des jeux vidéos (World of Warcraft). Elle se lance alors dans le côté stratégique du numérique. Une rencontre avec un manager sera décisive, elle se lancera dans des secteurs tels que l’Intelligence Artificielle et le Big Data appliqués au webmarketing. Après un passage en Asie, elle monte MBC Solutions à Toulouse en 2017. Elle se met au service de la digitalisation des entreprises et offre des conseils pour optimiser les prises de décisions, à la fois dans la communication, le marketing, le recrutement. Elle aide les entreprises à déployer des outils pour simplifier leur quotidien, pour s’inscrire dans l’agilité, soulager la routine et dynamiser l’évolution ; tout en s’inscrivant dans une démarche mobile first. Carole Bonnemains intervient également dans des écoles supérieures sur de nombreux sujets tels que le webmarketing, l’IA, le Big Data. Carole Bonnemains aime se définir comme “un couteau suisse du numérique”
Pour aller plus loin :
Nous avons souhaité vous faire part d’initiatives menées dans le domaine du numérique auprès de jeunes publics :
L’association Elles Bougent possède une antenne Midi Pyrénées. Les actions principales de la délégation sont des interventions de professionnelles en collège et lycée et des visites dans des sites industriels.
L’association Face à Toulouse comprend un pôle éducation. Une plateforme permet de rapprocher des élèves de collèges de quartiers sensibles d’entreprises de l’aéronautique et de l’énergie notamment pour effectuer leur stage de 3ème et susciter des vocations. L’association organise également des ateliers à la maison de l’orientation faisant intervenir des femmes du secteur numérique, de l’ingénierie, de la cybersécurité un jeudi par mois.
Le programme Wifilles mené dans le collège Stendhal permet de sensibiliser des collégiennes aux métiers du numérique, de les initier au codage, d’avoir accès à des témoignages de parcours de rôle modèles féminins.
La fondation C Génial est une association partenaire de notre cabinet Suricats Consulting. Elle fait intervenir des professionnel.le.s de différents secteurs, dont le numérique, dans les classes de collèges et de lycées. Inversement, les professeurs sont invités à s’immerger dans le monde des entreprises à travers le programme “Professeurs en entreprise”. Notre antenne parisienne partage désormais ses locaux avec cette fondation.
Autres initiatives qui encouragent l’entrepreneuriat féminin : la création de réseaux d’entrepreneures femmes :
Nénettes & Co fait partie de la Fédération profem. Cette association propose des programmes de mentorat aux femmes porteuses de projets.
L’association nationale des Mampreneures présente une antenne toulousaine. Un jeudi par mois, des mamans entrepreneures se réunissent pour du réseautage.
Les réseaux d’affaires permettent également networking, échanges, recommandations et apports de nouveaux prospects. Citons ici le réseau d’affaires bienveillant du Toulouse Connexion Club.