Pratique aujourd’hui courante des méthodes du design thinking, le design sprint est un processus de création de concepts innovants en un temps record : 5 jours, 5 étapes, selon la méthode de Jake Knapp, développée de 2010 à 2016 dans le cadre de son travail de designer chez Google Ventures.
Il promet de produire un résultat concret avec vos collaborateurs au bout d’une semaine de workshop durant laquelle vous aurez mis à plat votre problématique, imaginé des solutions, prototypé vos idées et les avoir testées auprès d’utilisateurs. Une démarche design thinking en accéléré en somme.
Présenté ainsi, le design sprint peut paraître magique.
S’il se révèle très efficace dans certaines situations, sa mise en pratique a pourtant des limites. Il faut souvent adapter le format et prévoir du travail en amont. Suricats s’est essayé à différentes méthodes de design sprint pour construire sa propre formule en 6 étapes.
Voici nos retours d’expériences et quelques conseils pour ceux qui souhaiteraient se lancer dans le design sprint.
Retour d’expérience #1 : l’exercice du design sprint nécessite une montée en puissance tant sur l’idée que sur l’appropriation par le groupe de travail
Sans nul doute, la force du design sprint réside dans sa capacité à prototyper une idée en quelques heures en équipe. Pour y arriver, laissez tomber le numérique, rien ne vaut l’utilisation d’éléments manipulables par tous comme un kit d’interface.
Nous avons conçu notre version « by Suricats » qui se compose de 50 éléments standard d’interface cartonnés à positionner sur des bords tablettes, mobiles ou écrans. Chacun se prête au jeu et les premiers jets d’IHM (« Interface Homme Machine » ou plus simplement « Interface Graphique », ndlr) se construisent à 4, 6, 8 mains en quelques minutes.
Le second exercice de conception en groupe diablement efficace s’appelle le Crazy 8. Cette fois au lieu d’une modélisation à plusieurs d’une idée, on parie sur l’illustration synthétique et le retour critique pour converger. Puisqu’il est très difficile de commencer à accoucher d’une idée à plusieurs, le crazy 8 permet à chacun de se concentrer et rendre lisible sa manière de voir le projet.
8 cases à remplir individuellement pour illustrer simplement avec un feutre 8 fonctionnalités ou écrans en 8 minutes. Pas le temps de dessiner des interfaces chiadées, le chronomètre met tout le monde à égalité sur l’illustration tant il faut être synthétique. Puis on affiche les planches au mur et chacun présente ses 8 idées. On peut alors poser des questions, mais sans commenter. Enfin chaque participant vient voter pour ses concepts préférés parmi toutes les idées proposées (on vote pour différentes cases sur l’ensemble des planches du groupe). Les cases avec le plus de voix sont les idées que l’on retiendra pour le prototypage.
Le déroulé du Crazy 8 (expliqué en ... en 8 econdes)
Pour matérialiser très vite des idées le Crazy 8 est très puissant. Chacun s’engage, donne son avis, on est acteur du début à la fin. Chacun à un rôle bien défini et peut participer.
Claire, Designer chez Suricats
Parfois l’objectif cœur du design sprint n’est pas nécessairement d’innover mais surtout de rassembler. Parce qu’il nécessite la présence d’experts métiers différents, réunis pour collaborer pendant plusieurs jours, le design sprint est un excellent moyen de renforcer la cohésion d’équipe. Il est souvent bien plus efficace qu’un séminaire où des collaborateurs trop nombreux n’auraient pas le temps d’apprendre à mieux se connaître.
Avec le design sprint, on se mobilise, on se rassemble. Lors de la présentation finale, le groupe a su argumenter comme un seul homme, une seule voix alors que c’était des personnes d’univers très différents, voir en conflit.
Claire, Designer chez Suricats
L’incubation pendant 5 jours et les exercices collaboratifs permettent de créer de véritables connexions entre des personnes qui ont souvent échangé tous les jours par mail ou téléphone sans pour autant nouer d’affinités particulières. C’est aussi souvent à cette occasion que chacun découvre le métier de l’autre et s’enrichit de savoirs qui lui serviront dans son travail.
Retour d’expérience #2 : une prise de recul difficile et un exercice qui n’est pas assez user centric
Il est très important pendant le design sprint, d’avoir des experts qui connaissent leurs sujets par cœur. Sinon il faut absolument avoir mené une user research en amont. Le design sprint n’est pas un point d’entrée, mais un accélérateur au milieu d’une innovation.
Clémence, Consultante chez Suricats
La présence des experts du sujet est un point clé du design sprint, souvent oublié. Devoir aller chercher des informations auprès d’autres entités pendant les 5 jours d’incubation est une vraie difficulté.
Pour pallier à cela, nous avons intégré des temps de présentation des idées à des experts afin d’obtenir un regard critique éclairé et de combler un manque d’informations terrains.
La visite des experts est un moment pivot dans le design sprint. Il permet à l’équipe de consolider ses idées, car ils doivent les présenter à l’oral et les confronter à la réalité métier et technique du projet. Les idées en sortent renforcées et ancrées au contexte.
Ce qui a été très difficile c’était l’exercice « comment pourrions-nous ?». Les animateurs posent les questions et les participants doivent identifier les douleurs. La difficulté pour les participants fut de transformer les observations en problématiques. C’est un exercice intellectuel qui demande du temps et la capacité de prendre de la hauteur.
Éléonore, Consultante chez Suricats
Une incubation, pendant 5 jours consécutifs, c’est un merveilleux moyen de se concentrer sur un sujet, mais c’est aussi prendre le risque de manquer de prise de recul.
Transformer des observations en problématiques n’est pas évident. Nous avons ajouté des exercices de reformulation des besoins qui vont aider à faire émerger les enjeux des projets, comme :
- L’exercice des 5 Pourquoi qui consiste à demander aux participants d’expliquer le problème, puis creuser la cause du problème en redemandant 5 fois de suite Pourquoi ?
- Les templates de formulation des problématiques : Comment pourrions-nous (ce que l’on souhaite changer sous forme d’un verbe d’action) pour (la cible), afin de (intention profonde) ?
On manque de partage en amont des retours utilisateurs sur les expériences terrain. On a les collaborateurs, mais pas toujours les utilisateurs et surtout, on les a trop tard dans le processus de réflexion.
Éléonore, Consultante chez Suricats
Le design sprint de Google Venture intègre les utilisateurs seulement à la fin du processus. Nous trouvons que c’est trop tard et frustrant de ne pas pouvoir prendre en compte leurs retours. De plus l’utilisateur a sa place tout au long du design sprint et apporte un regard et une créativité nouvelle.
Nous avons donc imaginé un modèle de design sprint Suricats qui correspondait mieux aux problématiques de nos clients et à nos convictions.
Ce qu’il faut retenir
- Faites des design sprints si vous souhaitez renforcer la cohésion d’une équipe projet pluridisciplinaire et améliorer le partage de connaissance métier.
- Prévoyez un peu plus de 5 jours pour confronter les idées aux experts et au terrain et les enrichir.
- Intégrez un utilisateur externe dans l’équipe et laissez passer un week-end au milieu du sprint pour offrir une bulle d’oxygène et permettre la prise de recul
Enfin n’oubliez pas que le design sprint permet de concrétiser rapidement des idées mais qu’il ne se passe pas d’une bonne étude ou user research au préalable, car l’imagination se nourrit d’informations terrain.