L’entreprise Suricats Consulting est née un beau jour de juin 2015 avec l’ambition de faire du conseil différemment. Dans sa manière de fonctionner tout d’abord, en libérant l’entreprise de la hiérarchie (on serait « flat » qu’on se le dise !) et en faisant travailler ensemble des profils de consultants riches de leurs différences.
Dans les services proposés ensuite : si l’ambition du départ était d’accompagner les entreprises dans leur transformation numérique, nous nous sommes vite rendu compte que nous faisions plus que cela. Nous les aidons à se transformer tout court.
Fin 2018, trois ans après sa création, nous étions déjà plus d’une quarantaine de « Suricats », et force est de constater que notre tribu ne ressemblait pas à un cabinet de conseil traditionnel. Ce n’est sans doute pas un hasard si c’est également à ce moment-là qu’un petit groupe de Suricats a décidé d’explorer comment avoir un impact positif sur le plan environnemental en tant qu’entreprise. Car oui, des études* commençaient à fleurir qui pointaient du doigt le fait que le numérique représentait 3 à 4% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et que ce chiffre pourrait atteindre 7% d’ici 2040.
*Shiftproject, Lean ICT : Pour une sobriété numérique, octobre 2018
Après avoir analysé les leviers de réduction de notre propre empreinte, nous nous sommes vite rendus à l’évidence : certes nous devions allonger la durée de vie de nos terminaux numériques (et penser à éteindre les lumières le soir !), mais là où nous aurions le plus d’impact c’est en poussant nos clients à prendre conscience de ces enjeux et à agir aussi.
Cela fait maintenant près de deux ans que ces sujets nous animent au quotidien. Notre offre de services a évolué en conséquence. Nous voulons orienter nos clients vers plus de sobriété dans leurs usages numériques, les encourager à adopter des modèles économiques plus responsables, et même les bonifier dans leur manière de mener leurs projets (atteindre une rapidité d’exécution sans alourdir la charge mentale des équipes !).
C’est dans ce contexte que viennent s’inscrire les quatre interviews de collaborateurs du cabinet que nous vous proposons dans cette série intitulée « De bons conseils pour la planète ».
Ces quatre Suricats n’ont pas été choisis au hasard. Au-delà de leur engagement personnel pour un futur plus souhaitable, ils pratiquent tous un métier différent au sein de notre entreprise. Charlène, consultante, conseille nos clients au quotidien sur leur stratégie digitale et les aide à cadrer leurs projets. Nans est designer : il aide nos clients à concevoir des expériences innovantes et sans coutures. Pierre Rudolf est lead développeur, c’est le technicien de la bande, il recommande les bonnes technologies et leur donne vie. Enfin, Clémence est la spécialiste des projets agiles menés avec des équipes bien dans leurs baskets !
Diversité de profils, richesse et complémentarité des regards tournés vers un même objectif : People and Planet !
Dans cette série de « regards » croisés, nous vous proposons de commencer par celui de Charlène.
Bonne lecture.
Consulting à impact positif : le regard de Charlène, consultante numérique chez Suricats.
Interview menée par Malcolm, partner chez Suricats Consulting.
Quand as-tu pris conscience de l’impact du numérique sur la planète et ses habitants ?
J’ai toujours eu une sensibilité personnelle à l’égard de l’écologie. Mais c’est à l’été 2020 que j’ai vraiment opéré une prise de recul. J’ai lu beaucoup sur le sujet et beaucoup discuté avec d’autres collègues qui se posaient également beaucoup de questions à ce moment-là.
Comment cela se traduit-il dans ton engagement et tes actions au quotidien ?
Je fais beaucoup de veille sur les sujets liés à l’écologie, au climat, au féminisme écologique… Mon fil LinkedIn s’est un peu métamorphosé ces dernières années. Je suis aussi beaucoup plus consciente de l’impact de mes actes de consommation personnels. J’achète moins de vêtements, consomme moins de viande, je suis plus attentive à la gestion de mes déchets…
Tu peux nous citer des personnes ou des organisations expertes de ces enjeux « d’impact positif » qui t’inspirent particulièrement ?
Sur LinkedIn il y a deux personnalités que je trouve assez inspirantes. Thomas Wagner pour commencer. C’est un très bon vulgarisateur sur le sujet du climat. Il l’aborde au travers de thématiques spécifiques – par exemple l’agriculture ou la finance – pour lesquelles il décortique les mécanismes, analyse les impacts et oriente vers des pistes de solutions. C’est très documenté.
Il y a aussi Timothée Parrique, docteur en économie et spécialiste de la décroissance. Il contribue notamment au collectif de chercheurs qui publie dans le degrowth journal.
Je suis aussi des think tanks tels que Reclaim Finance, qui réfléchit à la manière dont les secteurs de la finance et de l’assurance peuvent soutenir la transition vers des modèles de sociétés plus soutenables et aussi agir sur le climat.
Il y a enfin quelques podcasts que je peux conseiller. Par exemple, dans Sismique Julien Devaureix interviewe des experts sur le thème de l’écologie mais pas seulement : il explore et décrypte de nombreux sujets autour de notre monde qui change. L’envert du décor est un format intéressant aussi. Pas seulement pour le jeu de mot dans leur nom (et oui, envert s’écrit bien avec un « t ») !
C’est un podcast du Huffington Post qui traite de sujets autour de l’écologie sous un angle pratique et interpellant. Par exemple, « Pourquoi manger local ne sauvera pas la planète » ou encore « L’énergie nucléaire, meilleure amie des écolos ? ».
Chez Suricats tu es responsable de nos offres de services autour des modèles économiques durables pour les entreprises. Peux-tu nous expliquer de quoi il s’agit ?
Sur la question de la sauvegarde de l’environnement, on entend des discours à plusieurs niveaux : l’état, les entreprises et les individus. Or, on ne peut faire reposer l’enjeu climatique sur les seules actions individuelles, qui sont à la fois incontournables et insuffisantes. On estime qu’elles ne sont porteuses que de 25% à 45% de l’effort climatique. Le reste, ce sont les gouvernements et les entreprises. Et il faut agir sur tous les fronts.
Chez Suricats, nous conseillons des entreprises au quotidien. Cela me parait logique de voir comment agir par ce biais-là. Et en entreprise il ne s’agit pas seulement de limiter les impacts négatifs liés aux émissions de Co2. Il y a aussi le volet social. Comment peut-on jouer sur l’emploi et la précarité ?
C’est la fameuse économie du donut de Kate Raworth, sur laquelle nous avions échangé tous ensemble lors d’un de nos surivendredis (ndlr : il s’agit du rituel de réflexion collective de fin de semaine de l’entreprise Suricats). La face extérieure du donut incarne le plafond écologique de la planète. Le beignet est surgonflé à l’image des 6 limites planétaires que nous avons déjà franchies dont la biodiversité, le changement climatique, etc. Et puis il y a l’intérieur du beignet : ce trou vide. Reflet des gros manquements de nos modèles économiques actuels sur le volet social.
Concrètement, comment un cabinet de conseil comme Suricats peut-elle accompagner ses clients pour les aider à devenir des entreprises à impact positif ?
Prenons l’exemple d’une entreprise du secteur alimentaire que nous avons récemment accompagné autour de l’expérience digitale qu’elle proposait à ses clients. Nous aurions pu nous lancer directement dans l’analyse critique des services proposés et de la qualité des interactions à chaque point de contact (commerciaux, télévendeurs, livreurs, …). Mais on leur a plutôt proposé de démarrer par l’exercice du golden circle de Simon Sinek.
Tu peux nous expliquer ?
Bien sûr. Le golden circle de Simon Sinek est composé de 3 anneaux.
L’anneau extérieur c’est le « Quoi » : ce que l’entreprise vend comme produits ou délivre comme services à ses clients.
Celui du milieu c’est le « Comment ». Pour certaines entreprises, il s‘agit de leur façon de faire ou de l’expérience qu’elles proposent qui les rendent spéciales ou les différencient de leurs concurrents.
Enfin, l’anneau du milieu c’est le « Pourquoi », ou le « Why » en anglais. C’est le cœur de la théorie de Sinek qui estime que beaucoup d’entreprises savent ce qu’elles font mais qu’elles sont très peu à savoir pour quoi elles le font. Le « why » c’est la raison d’être de l’entreprise. Une croyance ou une promesse suffisamment forte pour vous donner une raison de vous lever tous les matins pour aller travailler !
C’est encore plus actuel aujourd’hui alors que la recherche de sens devient un puissant leitmotiv pour beaucoup de salariés.
Et ça a donné quoi pour le client que tu mentionnais précédemment ?
Eh bien, l’exercice du golden circle a permis de poser un objectif ambitieux dans leur why : « contribuer à construire une alimentation responsable et durable ».
Cela a permis de fixer un cap nouveau, pas seulement dicté par le ROI. C’est aussi une manière de donner du sens et d’engager l’ensemble des collaborateurs dans une même direction. Concernant l’expérience digitale proposée aux clients, cela nous a également permis de donner davantage de priorité à des sujets à impact positif.
Là aussi, peux-tu nous donner un exemple ?
Par exemple, on a été très inspiré par l’éco-score de Food Chéri, basé sur les données Agribalyse de l’ADEME (une startup parisienne qui confectionne des plats cuisinés et les livre à domicile, ndlr).
Ce score permet d’informer les clients sur l’impact environnemental de chacun des plats proposés. Ce qui est intéressant c’est que le score ne se base pas que sur les emballages, il repose sur l’Analyse du Cycle de Vie complet du produit – ACV pour les intimes. Il y a d’abord l’impact des ingrédients, d’autant plus vertueux qu’ils sont à base végétale, bio et produits localement. Mais c’est aussi la frugalité dans les dépenses marketing et la livraison qui permettent d’améliorer encore plus l’éco-score de chaque plat.
Cette mécanique d’analyse du cycle de vie complet est un outil assez puissant que toute entreprise peut utiliser. Un de nos autres clients, Somfy, a même publié un article sur le sujet. Ils ont utilisé des pratiques d’éco-conception et d’analyse du cycle de vie pour commercialiser un nouveau modèle de volet roulant solaire.
Et une fois de plus l’impact n’est pas qu’environnemental. Il y aussi le volet social. En tant que cabinet de conseil spécialisé dans le digital, nous nous devons aussi d’avoir un œil critique sur les technologies que nous recommandons.
Pour notre client du secteur alimentaire, nous avions dressé un panorama exhaustif des tendances de la food tech. Nous sommes par exemple tombés sur une startup qui proposait d’utiliser des caméras vidéo couplées à des algorithmes d’intelligence artificielle pour « surveiller » la préparation des pizzas dans la restauration.
Officiellement la caméra permet de détecter des pizzas trop ou insuffisamment garnies, pour piloter le « coût matière » comme on dit dans le jargon. Mais on voit vite ce que peut faire la technologie si elle est utilisée à mauvais escient.
D’autres exemples ou inspirations qui pourraient être utiles à nos clients sur ce sujet ?
Un exemple que j’aime bien est celui d’Interface, une entreprise spécialiste des dalles de moquettes et … pionnier de l’économie circulaire. Personne ne connaît cette multinationale américaine, mais ils ont inventé le concept de dalle de moquette qui permet de ne remplacer que la partie tâchée ou endommagée, avec des impacts positifs énormes pour l’environnement. Simple et efficace, encore fallait-il y penser.
Il y a aussi l’enseigne de distribution alimentaire Biocoop qui en 2017 a décidé de bannir les bouteilles en plastique de ses rayons du jour au lendemain. Ils ont perdu 3% d’anciens clients mais en ont gagné 15% de nouveaux !
Plus récemment, le comité d’organisation des Jeux Olympiques de 2024 à Paris a adopté une mesure intéressante. Au-delà de leur budget financier, ils se sont également fixé un budget carbone maximum à ne pas dépasser. Cela ne permet pas d’atteindre la neutralité carbone, mais ça force à réfléchir à l’impact environnemental de chaque décision. C’est l’approche ERC : éviter, réduire puis compenser.
Pour le mot de la fin, aurais-tu un dernier conseil à partager avec nous ?
J’ai envie de reprendre un conseil de Thomas Wagner : « Ne pas croire trop rapidement que l’on a tout compris ». Ce sont des sujets complexes, qui nécessitent d’être abordés avec humilité et factualité. Il n’y a pas de solutions faciles ou toutes faites. Chaque secteur d’activité, chaque entreprise, chaque produit ou service a des impacts spécifiques qui nécessitent des solutions ad hoc.