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L’éducation thérapeutique digitale : solitude aggravée ou accompagnement renforcé ?

Interview de Paul-Louis Belletante, fondateur de la startup Betterise, éditeur spécialisé dans l’accompagnement thérapeutique.

L’éducation thérapeutique, le parent pauvre du parcours de soin – mais un avenir plein de promesses.

Interview de Paul-Louis Belletante, fondateur il y a 7 ans de l’entreprise Betterise, éditeur spécialisé dans l’accompagnement thérapeutique.

Interview menée
par Clémence Bonnet

Betterise - Plateforme éducation thérapeutique digitale Santé

Avant de vous parler d’éducation thérapeutique digitale, petit point rapide sur ce qu’est l’éducation thérapeutique du patient tout court (ETP).

Pour l’OMS, l’ETP « vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique ».

Une définition que vient compléter la Haute Autorité de Santé, en précisant que l’ETP « est un processus continu, qui fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient ».

Plus concrètement, derrière l’éducation thérapeutique se cache un ensemble de dispositifs (contenus pédagogiques, groupes d’échanges, recommandations du médecin, etc.) qui permettent au patient de mieux comprendre sa maladie, d’être accompagné dans ses gestes quotidiens, dans les soins, de l’aider à s’adapter. C’est donc aussi une forme de soutien psychosocial.

Evidemment, il n’est pas possible pour les professionnels de santé de fournir ce niveau d’accompagnement présentiel continu auprès de tous leurs patients. C’est là qu’interviennent les solutions digitales qui permettent des accompagnements à distance.

Pendant le confinement dû au Covid-19, nous avons, pour la plupart, vécu le digital comme un relais du lien social. Au même titre, l’ETP s’inscrit comme un véritable relais d’accompagnement du patient une fois qu’il se retrouve hors des murs des établissements de soin, Conseils sur les activités préconisées pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque, rappels sur les aliments à favoriser pour les diabétiques, notifications pour le suivi et la prise d’un traitement… Le champ d’application est vaste. De nombreux services et applications numériques ont ainsi vu le jour.

Mais quel est le véritable potentiel de l’éducation thérapeutique digitale ? Qui touche-t-elle ? Comment la mettre en place ? Quels sont ses objectifs ? Nous avons choisi d’approfondir ce sujet avec Paul-Louis Belletante, fondateur il y a 7 ans de l’entreprise Betterise, éditeur spécialisé dans l’accompagnement thérapeutique.

Bonjour Paul-Louis, avant toutes choses, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur Betterise ?

Betterise est un éditeur d’accompagnements thérapeutiques digitaux. C’est-à-dire qu’il propose des services qui vont aider les patients à mieux comprendre leur traitement, leur maladie, mais aussi ce qu’ils doivent faire au quotidien pour mieux vivre. Betterise propose des services de prévention primaire ; ou encore « Moi bientôt maman », un service d’accompagnement à la grossesse ; et des accompagnements autour du diabète ou des maladies cardiaques. Tous ces services sont administrés sur la plateforme Betterise, qui permet de « profiler » chaque patient suivant plusieurs milliers de critères, qu’il s’agisse du profil, du comportement, du contexte, ou même de l’évolution des données médicales.

Quelle est votre perception de l’éducation thérapeutique digitalisée ?

Aujourd’hui, nous sommes convaincus de sa pertinence. L’éducation thérapeutique digitale permet d’intervenir en tant que relais de l’éducation thérapeutique classique, pour assurer la permanence du processus éducatif, et surtout relayer la motivation du patient. Dans le parcours de soin, il y a de vrais moments de solitude pour le patient. Je parle de ces moments où, quelle que soit votre maladie, vous vous retrouvez seuls chez vous, avec des tonnes de questions sur votre traitement, sur ce que vous devez faire. Vous avez peur, vous êtes stressé, fatigué. Notre pari, c’est de travailler avec des soignants et des établissements de soins pour qu’ils puissent fournir à leurs patients des services digitaux qui leur permettront d’être accompagnés à distance, c’est à dire hors des murs de l’hôpital, sous l’angle de l’éducation thérapeutique. Toute pathologie comporte des questions spécifiques. Quand vous êtes embrigadé dans le parcours de soin, vous n’avez pas forcément toutes les réponses. C’est donc un vrai sujet que de donner une information adaptée au patient. Malheureusement, l’ETP digitale reste encore le parent pauvre du parcours de soin.

Peut-on dire aujourd’hui que l’éducation thérapeutique a un réel impact sur la santé des patients ?

Oui, tout simplement parce qu’elle se concentre sur le traitement des maladies chroniques (maladies cardio-vasculaires, diabète, cancer…) qui sont des maladies du mode de vie. Elles sont liées en grande partie à ce que vous mangez, si vous bougez, fumez, buvez. L’OMS dit qu’en agissant sur ces quatre facteurs de risque, nous pourrions baisser de 75% les maladies cardio-vasculaires, de 40% les cancers, de 75% les diabètes. Donc l’impact de l’éducation thérapeutique est réel ! Mais un temps long est nécessaire pour pouvoir le mesurer.

Quelles sont les populations les plus à même de profiter de l’éducation thérapeutique digitale ?

Ce sont les personnes les plus isolées qui utilisent le plus notre solution. Parce que ce sont les personnes les plus seules, et qu’elles se disent : « par le biais de cette application, on prend soin de moi, quelqu’un pense à moi. Je me sens enfin accompagné quand je suis loin de l’établissement et je peux y aller à mon rythme. J’ai l’impression d’avoir quelqu’un sur qui compter ». Cela correspond également à des populations jeunes, comme les femmes atteintes d’un cancer du sein.

L’éducation thérapeutique digitale repose sur les données des patients. Comment captez-vous ces données ? Via les objets connectés qui envahissent notre quotidien ?

Nous sommes effectivement compatibles avec 80 objets connectés. Malgré tout, nous sommes devenus frileux sur le sujet, et nous ne conseillons pas aux soignants d’encourager leurs patients à les utiliser. Pourquoi ? Parce que souvent, c’est une épine dans le pied. Ces objets n’ont pas toujours été prévus pour une utilisation dans les soins. Alors oui, les données obtenues avec les outils de la maison ne sont pas forcément très précises. Mais si vous nécessitez d’un suivi extrêmement précis, alors vous êtes à l’hôpital.

La confiance des Français dans le digital passe par la réglementation. Qu’est ce qui est fait en matière de sécurisation des données de santé ?

Aujourd’hui, la e-santé est un « farwest » ! Il y a plein de gens qui font n’importe quoi. Heureusement, s’il existe un marché qui dispose de fortes barrières à l’entrée, c’est bien celui de la santé ! A partir du moment où vous avez un impact sur la santé des patients, et que vous revendiquez cet impact-là, vous devez être nommé « dispositif médical ». Alors, vous devez passer les différentes certifications, conformément à la réglementation. Par ailleurs, la réglementation européenne RGPD encadre le traitement des données collectées. En tant qu’utilisateur, vous êtes donc parfaitement conscient des données qui sont récupérées et du traitement opéré. Beaucoup de soignants font attention aux sociétés avec lesquelles ils travaillent. J’ajouterai que sur la donnée, il y a beaucoup de paranoïa. Mais prenez un patient en situation de soin : ce qu’il souhaite, c’est être soigné. Si vous offrez un cadre sécurisé, si vous le rassurez et que l’application est proposée par l’établissement de soin dans lequel il est soigné, il n’y a aucune raison d’avoir peur de quoi que ce soit.

Pour vous, la France est un écosystème propice mais qui bouge lentement. Quel est le business model envisageable pour une application d’éducation thérapeutique digitale ?  

Le marché est compliqué, car il faut à la fois convaincre le patient d’utiliser l’application, le médecin de la prescrire, et trouver un payeur. Et qui peut payer ? L’ensemble des acteurs du marché de la santé. En premier lieu, les mutuelles, qui peuvent prendre en charge ce genre de services dans leurs prestations. Ensuite, les laboratoires pharmaceutiques intéressés pour aller « beyond the pill », et proposer des services complémentaires. Ce qui les aide aussi à avoir des retours de données sur leurs patients et à mieux gérer leurs futurs traitements. Enfin, il y a le système de santé étatique, la sécurité sociale notamment, qui va commencer à rembourser ce genre de dispositifs. Mais c’est extrêmement long à mettre en place.

 

L’ETP digitale : un enjeu actuel

Alors que cet article voyait le jour quand le COVID-19 n’était qu’une fable asiatique, il a pris tout son sens quand nous avons entendu parler de ces patients, atteints de maladies chroniques, qui n’osaient plus aller voir leur médecin de peur de sortir et de risquer la contamination ou celle des autres. Dans un tel contexte, l’ETP digitalisée, et plus généralement le digital en santé, peut s’avérer vitale. Pendant le confinement, la médecine à distance a vécu un tournant et un essor naturel, qu’il faut surveiller et encadrer bien sûr. Néanmoins, couplé à l’expertise française reconnue en santé, et un système de soin que beaucoup nous envient (malgré les difficultés), il y a là un terrain fertile pour faire éclore un système d’e-santé robuste pour les patients et leur famille. Pour cela, il faudra continuer les efforts d’acculturation, mais aussi de sensibilisation des soignants, des patients et de l’ensemble des acteurs du monde de la santé aux apports du digital quand il est au service de l’humain.

Pour aller plus loin sur le sujet

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